Céline Alvarez et sa révolution bienveillante

Comme un bon roman qu'on fait traîner pour en savourer toutes les pages, jusqu'à la dernière, j'ai pris tout mon temps pour lire Les Lois naturelles de l'Enfant de Céline Alvarez. 
Et encore, j'ai dû mettre un coup de boost à la fin, parce qu'il faut que je le rende à la bibliothèque !!

C'est koââ l'histoire ?
Céline Alvarez a rédigé ce livre pour raconter son expérimentation de 3 ans dans une classe de maternelle  en zone défavorisée.
Une expérience fondée sur ses connaissances à la fois :
- des pédagogies Montessori, Steiner, Freinet...
- des dernières avancées en neurosciences se basant sur différentes études,
- de la bienveillance et de l'éducation positive.

En résumé
Le livre se compose de 5 parties :

Un préambule, qui explique rapidement d'où lui est venue l'idée de cette expérience, et résume rapidement ses 3 années d'expérimentation à Gennevilliers.

La première partie, "l'intelligence plastique de l'être humain" explique les mécanismes d'apprentissages d'un tout jeune enfant en se basant sur les expériences de la neurosciences. 
Un enfant a besoin pour apprendre d'être aimé, entouré, mais également actif et engagé dans son apprentissage. On ne peut obliger un enfant à apprendre quelque chose qui ne l'intéresse pas, ne fait pas sens pour lui. 
Dans cette partie, Céline Alvarez détaille les conditions nécessaires à un enfant pour qu'il puisse apprendre en s'épanouissant : le mélange des âges, la bienveillance, l'importance du jeu libre, la richesse du monde réel et de la nature, etc.
Puis elle termine en expliquant comment elle a appliqué ses idées durant les 3 ans d'expérimentation,  en revenant sur une journée "type" dans sa classe, la manière dont elle et son ATSEM se comportaient face aux enfants, et la façon dont les enfants ont réagi par rapport à cette nouvelle méthode d'apprentissage.

Dans sa deuxième partie, "l'aide didactique", elle passe en revue le matériel et la façon dont elle l'a présenté, dans les domaines du sensoriel, des mathématiques, de la géographie, de la musique, de la lecture et de l'écriture. C'est une partie très détaillée, très riche pour les enseignants, mais aussi les parents qui voudraient reproduire sa pédagogie à la maison.

Dans la troisième partie, "Soutenir le développement des compétences-socles de l'intelligence", elle détaille les compétences clés qu'il faut savoir reconnaître au bon moment, et accompagner pour aider l'enfant à construire son intelligence. Elle y parle notamment des périodes sensibles "de" Montessori, des compétences exécutives, de l'autonomie, de la liberté, et du stress.

Enfin, la quatrième partie s'intitule "le secret, c'est l'amour". Elle explique l'importance de la reliance, c'est-à-dire le lien que nous créons entre humains. L'éducation, c'est aussi créer ce lien entre adultes et enfants, mais également entre enfants d'âges différents, et la façon dont ce lien se transforme naturellement en  empathie et en altruisme.

Ce que j'en ai pensé
Toutes les 5 pages, je m'exclamais "il est très intéressant, ce livre", "Vraiment très intéressant", "C'est fou, ça", "Chéri, il faut que tu le lises toi aussi". C'est dire à quel point ce livre m'a plu. Bouleversé, même.
Grâce à ce livre, j'entrevois de nouvelles formes d'éducation pour mes enfants, basées sur la bienveillance, l'amour, le lien avec la nature, une plus grande attention au quotidien et aux apprentissages naturels que l'on peut offrir à son enfant.
Bouleversée aussi, car ma fille est dans une école tout à fait classique, normale, avec des notes et des erreurs corrigées au stylo rouge, des "c'est bien", des "fais ça comme ça"... En ayant lu ce livre, forcément j'ai envie qu'elle soit dans une classe comme celle de Céline Alvarez, forcément j'ai envie qu'elle soit traitée avec respect, liberté, autonomie, forcément j'ai envie qu'elle apprenne sans y être obligée, sans pression, sans ennui... mais comme on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, il revient à nous, parents, d'être vigilant sur l'épanouissement de notre Miss à l'école, et de poursuivre son éducation lors des temps libres à la maison.

Ce livre, ce n'est pas qu'un n-ième traité sur la pédagogie Montessori, qui applique "bêtement" les exercices de la tour rose, des barres rouges ou des encastrements. 
Ce livre, c'est l'héritage Montessori. La suite de la pédagogie Montessori, le tome 2, celui qu'elle aurait pu écrire si elle avait vécu au XXIème siècle. 
Elle y développe de façon encore plus clair l'importance de l'ambiance, de la qualité des lieux dans lesquels évoluent les enfants, la nécessité de revoir le rôle et la façon d'être des instituteurs, plus que le matériel Montessori à posséder absolument.

Bref, c'est un livre à lire et à relire, à avoir dans sa bibliothèque pour le consulter régulièrement !

Il est extrêmement riche, très facile à lire et pourtant denses d'idées, d'expériences, d'astuces, de savoir-être et savoir-faire pour accompagner son enfant au quotidien dans ses apprentissages. Si j'avais dû corner les pages qui m'apparaissaient importantes, je crois que j'aurais quasiment tout corné - heureusement pour lui, c'est un livre de bibliothèque, je me dois d'en prendre soin !

Ce que je vais appliquer au quotidien
Parmi la multitude de nouvelles idées que j'ai piochées dans ce livre, j'ai dégagé 4 grands chantiers - en plus de ceux que je mets en oeuvre depuis ma lecture de l'Enfant de Maria Montessori, c'est vous dire si j'évolue énormément en ce moment !

Travailler son langage au quotidien
Tout au début du livre, Céline Alvarez note une réelle différence de vocabulaire entre les élèves de l'école dans laquelle elle a enseigné avant son expérimentation (Neuilly sur Seine) et ses nouveaux élèves de ZEP (Zone d'Education Prioritaire). Elle cite également une étude, "the Early Catastrophe", qui montre que les enfants de milieux plus favorisés connaissent à 4 ans 30 millions de mots de plus que les enfants de milieux défavorisés, sachant que le vocabulaire et la tournure des phrases provient majoritairement (+85%) des parents. 
A la maison, depuis que j'ai arrêté de travailler et d'être stressée, je dis beaucoup moins souvent de gros mots ou de mots argotiques. En revanche, je suis la spécialiste du parler "pré-mâché" et prédigéré. Je supprime quasiment tout le temps la négation "ne", le "mai'nant" systématiquement remplace le "maintenant", "chuis" beaucoup plus que "je suis", et énormément de "trucs" me sortent de la bouche, en même temps que les "ça" et autres confrères. 
Bref, vous voyez ce que je veux dire. Etre précis. Utiliser le bon vocabulaire. Parler distinctement et correctement. Dire bonjour, s'il te plaît, merci. Dire "pardon ?" et non "KOÂÂ ?" pour faire répéter quelqu'un...
Comment peut-on penser que son enfant apprendra à parler comme nous le souhaiterions, si nous-mêmes ne faisons pas d'effort à ce sujet ?

Développer les compétences exécutives
Les 3 fonctions cognitives principales sont :
- la mémoire du travail, qui nous aide à mémoriser rapidement une expérience, une idée, un mot...
- le contrôle inhibiteur, qui nous permet de nous contrôler et nous concentrer sans se laisser distraire.
- la flexibilité cognitive, qui représente notre capacité à voir et surmonter nos erreurs en étant créatifs.
Une fois ces compétences acquises, l'enfant est capable d'agir et de choisir une activité par lui-même,  il est autonome, plus calme, il ne se laisse pas distraire, n'a pas besoin de l'adulte pour faire ce qu'il souhaite.
Ce sont des notions que je ne connaissais pas du tout avant de lire Céline Alvarez. Pour elle, ce sont des compétences capitales, qui doivent être acquises avant d'attaquer quoi que ce soit au niveau des apprentissages "scolaires", sous peine que l'enfant ne sache pas apprendre, tout simplement.
La seule et unique façon d'acquérir ces compétences est de soutenir les activités spontanées de l'enfant et sa recherche de l'autonomie, le fameux "veux faire tout seul" bien connu des parents.
Mais l'autonomie, ce n'est pas juste laisser faire seul l'enfant. Il s'agit de l'accompagner dans sa quête de l'autonomie, ne pas le laisser se dépatouiller dans une activité trop compliquée pour lui, lui montrer clairement, et prendre le temps de l'aider... sans faire à sa place, puis le laisser faire, refaire et re-refaire autant de fois qu'il le juge nécessaire, sans l'interrompre.
Avec nous, la Miss est déjà bien lancée dans la voie de l'autonomie <clic vers mon article>, mais nous avons encore des progrès à faire ; notamment les matins lorsque l'on est pressé, il est tellement plus simple de l'habiller à sa place, de lui servir le petit-déjeuner, de préparer sa tartine de pain-beurre...

Concernant le contrôle inhibiteur, il est possible de la travailler en même temps que l'équilibre : en traçant une ellipse au sol avec du gros scotch, et en demandant à l'enfant de marcher en équilibre
Un autre petit jeu proposé est de demander à l'enfant de reproduire un geste répété, par exemple de frapper dans ses mains. Au bout de quelques secondes, en continuant ce 1er geste, on en rajoute un 2ème, par exemple tourner la tête de gauche à droite. Puis on arrête le 1er geste en continuant le 2ème... et ainsi de suite. 
On peut également faire des exercices de sophrologie qu'elle appelle de "pleine conscience" : ils consistent en une prise de conscience des membres, de la poitrine qui se gonfle et se dégonfle, faire le silence et écouter les sons extérieurs.

La reliance, et non la dépendance.
Céline Alvarez développe tout un chapitre sur le danger du jugement d'autrui, le fameux "c'est bien", qu'on assène aux enfants lorsqu'on est content d'eux. Ce "c'est bien" pour lequel on peut vivre parfois,  celui qui nous fait faire les choses pour faire plaisir aux autres, et non plus à soi (d'ailleurs, on ne sait même plus quel est notre propre plaisir), celui qui nous soumet au regard des autres, qui nous fait guetter leur approbation. Je sais de quoi je parle, je suis malheureusement à 200% dans ce schéma vicieux au possible.
Et le nombre de fois où je dis "oh c'est bien" "oh, la maitresse doit être contente"... à ma Miss. Ca me rend malade quand j'y pense. Alors que ce n'est pas important, si moi je suis contente ou si la maitresse l'est. C'est ma Miss qui doit l'être, lorsqu'elle fait quelque chose qu'elle estime bien. 
Bref, un gros gros chantier qui se met en place, avec de nouvelles habitudes, et de nouveaux automatismes à créer. 
Céline Alvarez nous livre sa petite astuce. Lorsqu'un enfant venait lui montrer son travail en lui demandant si c'était bien, elle s'interdisait toute forme de jugement de valeur, positif ou négatif. Elle accueillait l'enfant en lui retournant la question : "Oh, tu as fait xxxx (en décrivant de façon neutre le travail). Qu'en penses-tu, toi ? Tu es content de toi ?" Ce qui n'empêche pas de se réjouir avec l'enfant qui est content "oh, je vois que tu es content. J'aime quand tu es content"...

Apprendre de la nature et du quotidien
Etant donné que la Miss va à l'école, ce n'est pas à moi de reprendre son programme scolaire à mon idée (même si des fois j'en crève d'envie). 
En revanche, j'ai décidé de suivre à la maison des pratiques un peu similaires au unschooling. Profiter du beau temps pour aller se promener dehors, découvrir la nature, les oiseaux et leurs chants, les différentes essences d'arbres. Puis certains soir, lire des histoires "orientées" sur l'Histoire de France par exemple, sur les planètes, sur l'Art... Bref, être totalement complémentaire à ce qu'elle apprend à l'école, profiter des moments du quotidien pour l'éveiller à de nouvelles idées, développer sa curiosité, apprendre sans apprendre ! Tout un programme, n'est-ce pas ?
Je suis déjà très étonnée de la façon dont la Miss retient de nouvelles informations. Une fois à table je lui parlais des os de la main, et quelques jours plus tard, elle me montre ses doigts en me disant "mes os, là" !
J'ai même commencé à travailler sur une première application du livre : l'introduction aux sons, qui est à retrouver ici !

Quelques citations pour finir
J'avoue que j'ai bien du mal à choisir, tout me semble tellement intéressant dans son livre !

"Nous ne pourrons pas résoudre efficacement les difficultés de l'école [...] sans nous attaquer directement à la cause qui les génère : notre système impose ses propres lois en piétinant celles de l'enfant. Et, en opérant de manière si brutale, l'école crée elle-même les difficultés qu'elle tente ensuite de corriger par des réformes."

"En 2009, je pris la résolution de vérifier mon intuition. Est-ce qu'un environnement adapté aux mécanismes naturels d'apprentissage réduirait les difficultés de tous, enfants et enseignants ? Pour répondre à cette question, il me fallait une classe. Puisque la recherche expliquait déjà clairement que les inégalités se construisent et se creusent dès le plus jeune âge, je souhaitais mener cette expérience en maternelle."

"L'enfant, qui se sent respecté, aimé, et considéré, développe confiance et estime de soi. [...] L'adulte devient un facilitateur, un guide bienveillant, qui prend le temps de se mettre au niveau de l'enfant pour lui parler. [...] Néanmoins, il n'hésite pas à procurer un cadre strict aux enfants, qui les sécurise et les oriente : il donne ainsi, de manière très claire, les règles de vie collective, et il apprend à arrêter immédiatement tout comportement qui ne serait pas constructif."

"Lorsqu'un enfant était triste ou même fâché [...] il y avait toujours un camarade pour lui dire, en lui prenant délicatement la main "qu'est-ce que tu as ? Tu es en colère ? Tu es triste ?" Ils reproduisaient nos comportements, en se les appropriant et en y apportant parfois une créativité et une intelligence extrêmement pertinente."


Commentaires

  1. Bonjour, super article, merci !!
    Par contre, je crois avoir relevé une coquille : une enfant issu d'un milieu favorise ne peut pas connaître 30 millions de mots de plus qu'un autre à 4 ans... Parce que les francais ne comporte pas beaucoup plus de 100000 mots en tout...
    Merci !

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